mardi 22 février 2011

les républiques indépendantes en 1991

Le jour où les régimes claniques ont pris le dessus

En 1991, dédaignés par l'Europe, négligés par la Russie, les républiques soviétiques du Kazakhstan, du Kirghizstan, de l'Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Turkménistan ont créé de nouveaux Etats pratiquement ex-nihilo.

14.02.2011 | Salla Nazarenko | Oasis

Au début de cette année, en ouvrant le Helsingin Sanomat, le plus grand quotidien de Finlande, je suis tombée sur une photo saisissante, celle d'un énorme char soviétique sous les chenilles duquel apparaissait une paire de jambes. Accompagnait cette image une interview de deux Lituaniennes qui avaient survécu par miracle à l'entrée des chars soviétiques dans Vilnius, en 1991. Cette histoire a littéralement été celle d'une survie physique, celle de la construction d'un pays petit mais uni - la Lituanie - de son adhésion à l'Union européenne et aux structures européennes en tant que membre à part entière. La Lituanie reste pauvre et vulnérable, mais pour elle comme pour les deux autres pays Baltes, l'indépendance a été un tournant décisif. Elle semble désormais installée pour toujours, et malgré tout, malgré les aléas du cours de l'euro et les humiliations que lui impose l'Europe, la Lituanie se sent beaucoup mieux que du temps où elle faisait partie de l'Union soviétique. Sur place, aucune nostalgie.

En Asie centrale, la question de l'indépendance ne se pose pas de la même manière. Là, ce qu'on peut se demander c'est si les choses se sont améliorées durant les deux décennies écoulées. Les dernières années du pouvoir soviétique ont été accompagnées d'un tel chaos qu'aucune personne normalement constituée ne saurait les regretter. Le système soviétique, même si certains disent le contraire, était condamné à s'effondrer un jour ou l'autre. Cela s'est produit plus tôt que ce que beaucoup pensaient, et avec beaucoup plus de fracas que l'avaient envisagé les experts les plus pessimistes. L'onde de choc de cet éclatement a rendu indépendants tous les pays d'Asie centrale [Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan, Kirghizstan], sans que ceux-ci aient eu à se battre pour l'arracher ou aient connu un nationalisme organisé. Sur place, il n'y avait que le désir de l'intelligentsia de se sentir plus libre, et voilà que soudain, ces "stans" [pays] obtenaient ce qu'ils n'auraient jamais pu espérer, l'indépendance.

Depuis, en l'espace de vingt ans, les pays d'Asie centrale ont remplacé l'ancien système par leurs propres régimes, claniques, corrompus et opaques. Le Kirghizstan est le seul où élections et émeutes populaires répétées ont joué un certain rôle dans la vie politique. Ailleurs, tout se déroule en coulisse, par le biais de liens d'amitié, de corruption et de relations familiales. La justification tacite de cet état de fait est la suivante :"Gardons les anciens dirigeant qui ont déjà volé tant et plus, un nouveau pouvoir pourrait être pire". Aujourd'hui, après toutes ces années, il est facile de dire que l'Asie centrale aurait eu besoin qu'on lui accorde plus d'aide et d'attention au début des années 1990. Mais à cette époque, l'Europe et les Etats-Unis considéraient comme primordial de régler la situation d'une Yougoslavie en train d'imploser. L'ex-URSS était alors vue comme un trou noir, une vaste pagaille dont c'était à la Russie de s'occuper. Or, en 1991, elle n'en avait pas la capacité. C'est ainsi que les pays d'Asie centrale ont eu une opportunité en or, une chance de bâtir ex nihilo des Etats indépendants. Ils ont à la fois brillamment réussi et échoué.

Visiter Astana [la nouvelle capitale du Kazakhstan] constitue un vrai choc. Mais toute cette pompe ne permet pas de dissiper un sentiment de malaise. On se retrouve dans une sorte de Manhattan posée au milieu des steppes, et où les prix sont exorbitants. C'est une ville pour privilégiés. Le Kazakhstan est devenu une source de gêne pour l'Occident. En 2007, lorsque j'ai émis des réserves sur le fait qu'il prenne [pour une année] la tête de l'OSCE [ce qui s'est produit en 2010], les spécialistes m'ont rétorqué qu'il fallait essayer de lui donner une chance. On a prétendu que la présidence de l'OSCE inciterait les Kazakhs à entreprendre des réformes démocratiques. On a vu le résultat. Nazarbaev et son entourage ne semblent pas avoir la moindre intention de réformer le pays.

Cette arrogance n'a rien de surprenant. Parler de démocratie tout en annihilant cette même démocratie ne pose aucun problème à Nazarbaev. De ce point de vue, Islam Karimov, le président de l'Ouzbékistan et Gourbangouly Berdymoukhammedov, le président du Turkménistan, sont beaucoup plus francs. Ils gardent leurs pays fermés et entretiennent des systèmes qui ne sont pas démocratiques, mais ne jouent pas au plus malin avec l'Occident, auquel ils vendent leurs hydrocarbures. Il faut dire que l'Occident, ou plus exactement les Etats-Unis, joue un rôle particulierdans la vie de ces deux pays. Le Turkménistan surtout occupe une place importante dans le soutien aux forces de coalition de l'OTAN qui font la guerre en Afghanistan.

Le Tadjikistan fait de gros efforts. A Douchanbé, la capitale, les bâtiments flambant neuf, les banques, les parcs, l'accès wi-fi disponible dans le square qui se trouve derrière l'Opéra impressionnent. Mais, comme à Astana, il s'agit d'un mirage dans le désert. Le PIB par habitant du Tadjikistan demeure l'un des plus faibles de la planète, et une énorme quantité de familles vivent grâce à l'argent que leur envoient des parents émigrés en Russie. L'armée de chômeurs restés au pays ne bénéficie pas des innombrables chantiers ni du développement du Tadjikistan.

Le Kirghizstan, malgré les réformes démocratiques qu'il a entreprises, ne saurait constituer un exemple de réussite. Déficit budgétaire record, réfugiés de la région d'Och livrés à eux-mêmes après les massacres de juin 2010, tout souligne l'incapacité totale de l'Etat.

Une partie des problèmes de l'Asie centrale réside dans une compréhension trop superficielle de l'idée de nation. Dans ces pays, "nation" ne signifie pas "unité". Les nomades n'étaient pas unis, ils se divisaient en clans rivaux, en lutte permanente pour l'espace et les ressources. Le pouvoir soviétique les a mis tous ensemble, les a mélangés avec des Russes et beaucoup d'autres peuples de toute l'URSS, puis a obligé tout ce monde à aller dans des bureaux faire semblant de travailler. L'indépendance a fait sauter les verrous, forçant les Russes à partir et les autochtones à deviner ce qu'était le nationalisme et à se demander s'il fallait l'instaurer. Ainsi, le Kazakhstan a décrété que le kazakh devait être la seule langue officielle du pays, alors que certains Kazakhs ne la parlaient même pas. Cette marginalisation est parfois appelée "discrimination positive", mais les résultats sont toujours négatifs.

Outre l'unité, une nation a besoin de solidarité. Or cela n'a rien de naturel. Il faut créer des institutions que les citoyens devront respecter. Cela commence par un système fiscal efficace, combiné à une bonne protection sociale. Il faut aussi imposer la primauté de la loi. Or rien de cela n'existe, et c'est bien là l'échec, que je qualifierais de phénoménal, de l'Asie centrale. Ces pays ont pourtant une longue tradition juridique. Il y a un millénaire, Samarkand et Khiva étaient des centres mondiaux des lois islamiques. Les vingt prochaines années n'apparaissent pas très réjouissantes pour l'Asie centrale, mais elles pourraient tout de même se révéler décisives. Il faudrait pour cela que ces pays se montrent capables de construire des relations d'affaires profitables avec leur voisin qui monte en puissance, la Chine, et que leurs dirigeants comprennent que la redistribution des richesses n'est pas seulement une question abstraite de "justice", c'est une nécessité vitale pour parvenir à la stabilité. Alors, quelque chose de bien pourrait se produire. Mais pour l'instant, c'est l'avidité qui l'a emporté, dans les cinq pays, sans exception

1 commentaire:

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